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Articles récents

Pirlo, joueur d'une nation

7 Août 2014 , Rédigé par R.Baggio

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Mai 2012 : champion d’Italie.

Juillet 2012 : finaliste de l’Euro 2012, au terme duquel il comptait trois distinctions d’homme du match, comme en 2006.

 

Statistiques de l’année 2012 :

- 3368 passes réalisées ; 2947 réussies, soit un pourcentage de réussite de 87%. Personne n'a fait mieux en Europe.

- 141 occasions de buts sont nées de ses passes (ce qu'on appelle key pass outre-Manche), autre record.

 

Janvier 2013 : élu meilleur joueur de Serie A par ses pairs.

Mai 2013 : champion d’Italie.

Janvier 2014 : élu meilleur joueur de Serie A par ses pairs.

Mai 2014 : champion d’Italie

 

14 Juin 2014 : premier match d’une faible Nazionale contre l’Angleterre. A dix jours de l’élimination fracassante contre l’Uruguay, l’équipe d’Italie croit encore en ses chances, grâce à son homme providentiel, l’un des rares qui surnagèrent dans un océan de médiocrité, comme en 2010. Après le  match, les statistiques ébahissent une nouvelle fois les commentateurs : le fuoriclasse italien a réussi 103 passes sur 108 ! Quelques jours plus tard, contre le Costa-Rica, Balotelli se montra incapable de convertir en but de la qualification un énième caviar de son meneur de jeu, illustrant ainsi l'inaptitude de l’équipe à se hisser au niveau de son leader.

 

  Juin 2011 : à l’issue d’une saison ternie par une longue blessure, Galliani lui refuse un contrat de trois ans, parce qu’il est trentenaire. Allegri lui refuse déjà une place de titulaire du poste qu’il occupe depuis une dizaine d’années au club, et l’a relégué sur le banc. Nous avons été champions sans toi, lui rappelle son directeur sportif. Quelques semaines auparavant, Andrea Pirlo réaffirmait son désir de rester au Milan AC, mais en juin 2011, c’est en larmes qu’il quitte ses coéquipiers à Milanello. Blessé, humilié, trahi, il doit trouver un club qui lui permette d’évoluer au plus haut niveau tout en restant à proximité du sélectionneur national, car l’objectif numéro un demeure l’Euro 2012. Contrairement au Milan, la Juventus, a priori moins attrayante, ne joue pas la ligue des champions. Désireuse de relever la tête après plusieurs années de disette, la Vieille Dame lorgne celui que les observateurs qualifient depuis des années de meilleur regista du monde. Le projet est séduisant, et on promet au joueur ce qui lui est désormais refusé au Milan : les clefs du jeu, et trois ans de contrat. C’est ainsi que se conclut l’affaire du siècle : Andrea Pirlo signe à la Juventus, sans que le Milan ne récolte un centime.

 

Trois ans plus tard, quel bilan tirer ? La Juve est triple championne d’Italie, et le Milan ne cesse de sombrer. Le changement de camp du maestro a fait pencher la balance de l’autre côté. Pourtant, en juin 2011, Pirlo était cuit, fini, bon pour la retraite, selon de nombreux supporters milanistes, selon son entraîneur et ses dirigeants, qui ne lui accordaient qu’un an de contrat. Les observateurs se demandent encore comment le club de Berlusconi a pu se fourvoyer à ce point, comment l’équipe d’Allegri, en panne d’inspiration, a pu se priver d’un tel stratège ? Et surtout, que répondre à l’éternelle question, qui a trahi qui ?

 

L’autobiographie de Pirlo, Penso quindi gioco, a conforté l’opinion des milanisti les plus virulents durant l’été 2013. Le journaliste Alessandro Alciato, plume affûtée d’un joueur amer et revanchard, y met en relief dès les premiers chapitres le climat de l’été 2011, et enfonce le clou en évoquant les désirs passés de Real et de Barça, tout en écorchant quelque peu l’aura du Milan. Les anecdotes truculentes et vendeuses se suivent, les deux piques font mouche, et les réactions sont à la hauteur des attentes. Pirlo a bien trahi, vergogna !

  Il est toujours curieux de constater que quelques lignes dans un livre pèsent plus lourd dans la balance que dix ans de loyaux services, sans le moindre écart de langage. Le Pirlo dont tout le monde – entraîneurs inclus – louait le caractère docile et ductile depuis 2001 était devenu un affreux mercenaire, horrible personnage sans foi ni loi. Acteur refoulé, le paria lombard aurait donc dupé son monde pendant dix ans, masquant habilement sa véritable nature de dangereux trublion. Les circonstances troublantes du départ avaient pourtant été détaillées en interview par Gattuso et Nesta dès 2011, et la ficelle du règlement de compte par biographe interposé était grosse, mais non, Pirlo était bien un traître.

 

Comme son maître Baggio, Pirlo a évolué dans les trois grands clubs du nord de l’Italie. Il est toujours difficile pour certains supporters de comprendre la différence entre passer chez un concurrent par opportunisme et se faire pousser dehors par un entraîneur – Lippi pour Baggio, Allegri pour Pirlo – ou par un dirigeant.

Andrea Pirlo fut le seul joueur italien capable d’endosser le costume de meneur de jeu de la sélection nationale après Roberto Baggio, gagnant ainsi l’estime et l’affection de millions de supporters transalpins. Trois fois homme du match lors de la coupe du monde 2006, Pirlo écrivit alors l’une des plus belles pages de l’histoire du football italien, en portant son équipe vers la victoire finale attendue depuis vingt-quatre ans !

Comme Baggio, Pirlo n’appartient pas à un club ou à un groupe de supporters, mais à la nation italienne tout entière, et à son histoire. C’est le cas de quelques joueurs exceptionnels, qui transcendent les rivalités du quotidien. C’est un peu comme si chaque stade, chaque virage avait droit à un morceau d’histoire de Pirlo, comme un désir et une chance d’être témoin de quelques moments de grâce d’un héros national. Conscient comme son aîné de l’honneur suprême qui caractérise le port du maillot azur, il déclarait dans son livre :

L'Italie est juste plus importante. Plus importante que l'Inter, le Milan, la Juventus ou n'importe quel autre club. C'est le summum !

 

Amen.

 

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Il Genio

7 Avril 2014 , Rédigé par R.Baggio

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Dejan avait un talent particulier. C'était un talent pur, pas scolaire. Il y a des joueurs qui savent tout faire, mais lui avait ce quelque chose en plus. Des mouvements extraordinaire, un animal ! Il simplifiait tout. La balle la plus difficile à contrôler, il la maîtrisait si facilement. Il allait de l'avant, dribblait comme lui seul le savait.
Si vous regardez Cristiano Ronaldo, tous ses dribbles sont préfabriqués. Même si c'est un joueur extraordinaire, ça reste scolaire. Dejan avait ce côté naturel qu'a Messi aujourd'hui. Il était extraordinaire.

 

Zvonimir Boban, le 6 avril sur Bein Sports.

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Still right

17 Septembre 2013 , Rédigé par R.Baggio

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FORMER France international David Ginola says there are now TOO MANY foreigners in the Premier League.

In a frank assessment of the current state of the game in England, Ginola said: I think it is stopping younger British players from coming up through the academies.

Arsenal’s £42.5million Mesut Ozil and Tottenham’s £30m Erik Lamela are among the latest wave of foreign superstars to arrive in the country.

But ex-Spurs and Newcastle star Ginola says the game’s rulers need to address the situation and look at only allowing three foreigners per club in matches. He said: You should have at last seven or eight English players in a team and stick to the same rules from the 1990s when clubs were allowed only three foreign players.

That way when you win something with eight English players you are proud. If you win something with 11 foreigners I don’t see the point.

 

Source :  http://www.dailystar.co.uk/sport/football/338786/Foreign-stars-wrecking-Premier-League

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De la cohésion

17 Juillet 2013 , Rédigé par R.Baggio

 

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Cohésion vient du latin cohaerere, qui signifie être uni, attaché ensemble. L’étymologie correspond parfaitement à la première acception du terme français. Le dictionnaire de l’Académie Française précise que la cohésion est également la solidarité entre les membres d’un même groupe humain assurant son homogénéité.

L’idée de cohésion dépasse le collectif, mais c’est la cohésion qui conditionne le bon fonctionnement et l’utilité d’un collectif. L’objet de ce texte est de présenter les divers éléments permettant d’assurer la cohésion au sein d’une équipe de football sérieuse, dont l’objectif est la conquête de titres prestigieux.

La cohésion est nécessaire dans le cadre d’un projet collectif bien défini, conçu et pensé a priori, auquel  adhère chaque membre du collectif. L’adhésion, prérequis obligatoire, conditionne la cohésion, et marque la première étape dans l’optique de la réalisation du projet. Dans une équipe de football, l’attachement spontané de chaque joueur à son club, et le désir de contribuer à sa réussite, devraient figurer parmi les premiers critères de sélection. L’adhésion au projet collectif s’oppose à l’arrivisme individualiste rampant, qui corrompt, constitue et définit le football moderne.

Comment assurer la cohésion productive, voire la communion d’individus, au sein d’une équipe de football ?

 

Un point fait consensus : le temps, et l’âge auquel s’opère l’adhésion. Concrètement, le jeune supporter, qui suit passionnément son équipe favorite chaque semaine, assiste aux matchs – voire aux entraînements – et joue parfois d’ailleurs dans l’équipe de jeunes du même club, prend de l’avance sur la concurrence. Il semblerait téméraire de dissocier totalement la question locale de l’adhésion. En effet, la proximité géographique, ainsi que le contact physique régulier avec le club et son environnement permettent d’établir un lien affectif particulier et pérenne évident entre le jeune et son équipe, sans parler de la transmission familiale. Ainsi, au moment d’intégrer le centre de formation du Milan AC, le jeune Milanais baigne depuis son plus jeune âge dans une ambiance propice à l’adhésion au projet et aux valeurs du club. Le travail du centre de formation consiste alors à développer – selon des critères précis, propres au patrimoine du club – les qualités de footballeur du jeune en question, mais aussi l’esprit de communion avec le club et les autres jeunes. L’idée est de former à la fois des joueurs de football et des hommes, tâche ô combien négligée depuis une bonne quinzaine d’années.

 

La cohésion dépend donc fortement de l’éducation et de la formation, sans surprise. Cette dernière n’est pas universelle, et si les passes, les tacles et les coups de pied arrêtés n’ont que peu de variantes, la conception du football et les grandes orientations qui en découlent sont loin d’être identiques en Italie et en Angleterre ou au Brésil. Cette idée de particularisme culturel, lié au sol et au peuple qui l’occupe,  aujourd’hui vivement réprimée par les apôtres de l’idéologie dominante, a construit le football pendant un siècle au moins, et perdure çà et là, selon la résistance plus ou moins forte de chaque dirigeant de club au diktat mondialiste.

Reprenons notre jeune en formation, qui a adhéré au projet, et fait ses gammes dans un cadre qu’il connaît par cœur. Lui qui a depuis dix ans les posters de Maldini, Nesta ou Cannavaro sur les murs de sa chambre, lui qui encourage depuis des années un club et une sélection nationale héritiers du football de Rocco et Capello, ne sera pas surpris qu’on lui inculque les valeurs défensives du football italien, qui sont siennes depuis toujours. Il n’a pas à être convaincu ni forcé, puisqu’il a adhéré au projet il y a longtemps. L’apprentissage du placement, de l’anticipation, de la rigueur et de la sobriété, propres aux grands défenseurs italiens, n’est que l’application décomposée des actions qu’il a admirées au stade à maintes reprises. Le travail des formateurs est d’autant plus facilité qu’ils ont face à eux une immense majorité de jeunes tout aussi ouverts à cet enseignement et à cette transmission de valeurs. La communion de ces joueurs permettra d’assurer une succession de qualité, à l’image du Barça depuis de nombreuses années. Le cercle vertueux local-adhésion-éducation-communion-collectif demeure le fondement d’une vraie grande équipe.

 

Notre insistance sur le particularisme culturel exclut-elle tout recrutement étranger ? Assurément non. C’est tout l’intérêt du travail d’assimilation qui doit s’opérer dans les centres de formation, et du travail des recruteurs, qui ont pour fonction de repérer les joueurs compatibles avec le projet du club. La rareté, et les besoins spécifiques à un poste bien précis, justifient parfois le recrutement hors des frontières : c’est ainsi que les Van Basten, Batistuta, Savicevic, etc, sont venus enrichir et parfaire les équipes types italiennes des années 90, dont le succès reste inégalé. Soulignons qu’aucun d’entre eux ne fut recruté à prix d’or, et qu’il s’agissait à l’époque de pallier un manque, et non d’en créer. L’Italie, si prompte à former des défenseurs et des milieux de terrain, est plus avare en grands attaquants, d’où la nécessité objective pour les grands clubs italiens de se tourner vers l’étranger. Le football décadent, qui barre la route aux jeunes talents locaux via l’import massif, est une invention récente, aux antipodes de ce que nous décrivons. Surtout, les caractéristiques technico-tactiques des recrues étaient en adéquation avec les exigences du calcio, et l’assimilation était rapide. Rappelons que l’assimilation est l’adoption des valeurs du nouvel environnement pour s’y fondre, en allant du différent au semblable. Le travail du recruteur en amont, puis de l’entraîneur, des dirigeants, et du club en général, est capital pour mener à bien ce processus.

 

  L’objectif est d’agréger les talents, et de modeler un tout harmonieux. Si les joueurs, formés au club ou non, ont adhéré au projet, si le recrutement a été fait intelligemment, alors la voie semble tracée. Néanmoins, l’ultime facteur, décisif, reste le rôle de l’entraîneur. Si l’idéologie et la tactique mise en place par l’entraîneur vont à l’encontre de tous les grands principes et valeurs du calcio, les joueurs auront plus de difficulté à s’épanouir, et les résultats risquent de décevoir. Si, en revanche, l’entraîneur conçoit une stratégie calcio-compatible, il y aura cohésion, et probable succès.

          La force du Milan des Invincibili fut la cohésion plus que les individualités, si fortes fussent-elles. La célèbre défense Tassotti-Costacurta-Baresi-Maldini est la meilleure de l’histoire parce qu’elle se connaissait par cœur, parce que ces quatre joueurs jouaient le même football : un football italien, aux règles précises, que pratiquait également le reste de l’équipe. Si le Barça a régné sur l’Europe pendant si longtemps, c’est, comme le dit Xavi, parce que la majeure partie de l’organigramme du club est barcelonaise, sur et en dehors du terrain. Romario et Bebeto se trouvaient sans s’aimer, car les valeurs, la culture et l’objectif étaient communs. La merveilleuse histoire de la Grèce 2004 ne s’est pas non plus écrite par hasard. Aucun membre de l’effectif de Rehagel ne pouvait sérieusement prétendre au ballon d’or, mais la cohésion autour du projet fut telle que les Dellas, Kapsis, Seitaridis et autres Zagorakis se hissèrent sur le toit de l’Europe, en surpassant à la loyale les sommes d’individualités qui croisèrent leur chemin. Comme la défense milanaise de la grande époque, ces joueurs se trouvaient les yeux fermés, partageaient le goût de l’effort, du sacrifice, et parlaient le même football. Loin du football décadent, l’exploit grec est passé à la postérité, n’en déplaise à ses détracteurs. Le Milan des Invincibili, comme le Barça de Guardiola, issu de la Massia, est aujourd’hui dans les livres d’histoire : une histoire de cohésion.

 

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El Magnifico toujours aussi juste !

31 Mars 2013 , Rédigé par R.Baggio

 

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La différence fondamentale entre le PSG de 95 et le PSG de 2013, c’est qu’en 95 tout était à consonance française. On avait 8 joueurs français et 3 étrangers ; aujourd’hui le PSG joue avec 8 étrangers et 3 Français. Donc il y a une différence fondamentale dans la compréhension du football. La même chose pour les Barcelonais, mais la seule différence, c’est qu’à Barcelone aujourd’hui ils jouent avec des joueurs formés au club, des joueurs espagnols, des joueurs qui ont l’âme catalane, l’âme du FC Barcelone. Tout ce que je peux espérer c’est que demain  le PSG puisse jouer avec des joueurs formés au club, des joueurs qui auront l’esprit PSG. (Stade 2, le 31.03.2013)

 

 

Le club a les moyens de réussir quelque chose de fabuleux. Mais cela manque un peu d’âme. J’ai l’impression que l’on veut faire table rase du passé. Je pense qu’aujourd’hui il serait plus intéressant de prendre exemple sur un club comme le Bayern ou Barcelone qui ont gardé leur identité. Or un public a besoin de se reconnaître dans ses joueurs, dans la politique menée par le club. En Angleterre, avoir 8 joueurs sur 11 non anglais, cela ne pose pas de problèmes. Mais en France on n’a pas l’habitude. En sifflant Ibra, c’est la perte d’identité du club que l’on siffle quelque part. En France, on est un peu franchouillard dans le bon sens du terme. Le PSG ne doit pas perdre de vue que c'est un club français, et donc, gagner avec des joueurs français et garder une vie française à l'intérieur du club. En 1995, on avait 8 joueurs sur 11 qui étaient français, un entraineur français, un président français, un propriétaire français. Le PSG actuel ne fait pas les efforts de se rendre un peu plus français. (figaro.fr, le 31.03.2013)

 

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Lui a tout compris !

11 Mars 2013 , Rédigé par R.Baggio

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En attendant le prochain article, une petite citation d'El Magnifico, l'un des plus grands talents de l'histoire du football :

 

Le Classico d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de mon époque, il n’y avait pas l’arrêt Bosman donc on ne jouait qu’avec trois étrangers par club. Je ne veux pas dire que c’était mieux avant mais c’était différent, cela représentait quelque chose. Aujourd’hui, quand on a un Ibrahimovic qui a fait Inter Milan-AC Milan, Real Madrid-Barcelone, qui a vécu tellement de choses…Je ne sais pas si cela va faire quelque chose à Lucas de savoir qu’il va jouer un Paris-Marseille, il ne connaît pas l’histoire du pays même s’il en a entendu parler. Cela n’a pas la même signification qu’à mon époque. On avait Sauzée, Deschamps, Boli, Di Meco, Papin dans la même équipe ; en face, il y avait Lama, Roche, Ginola, Guérin… On a tous été élevés dans des centres de formation français, il y avait vraiment un enjeu national qui dépassait le cadre du football. 

 

source : Orange.fr - 18/02/2013

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Formatage et déculturation

16 Juillet 2012 , Rédigé par R.Baggio

 

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Le dernier championnat d’Europe a confirmé à peu près tout ce qui est écrit sur ce blog depuis quelques années. Tout d’abord, les audiences tv atteignirent des niveaux spectaculaires, pulvérisant sans surprise les scores habituels des compétitions de clubs, ligue des champions incluse. 23,5 millions d’Italiens se délectèrent du mythique Italie-Allemagne en demi-finale. 9,5 millions de Français, maugréant encore contre les mutins du bus de Knysna, et d’habitude rebutés à la fois par le football italien et par la sélection allemande, ont également suivi le match.

Et si, contrairement aux idées reçues, les vrais amateurs de football, lassés de ce que le commun des naïfs et les mondialistes persistent à appeler complaisamment football moderne, sélectionnaient ? Et si finalement le libre arbitre primait sur l’abrutissement des masses ? Nous ne prétendons pas apporter une réponse catégorique à cette question, mais depuis que ce sport existe, le football des nations a toujours nettement primé sur le football des clubs dans le cœur des gens, malgré la posture antinationale des apôtres du football dit moderne depuis plus de dix ans. Le football des nations constituait ces dernières années une sorte de refuge, de bastion de résistance à la déferlante mondialiste, qui gagne du terrain, détruit et ensevelit chaque jour un peu plus. C’était un football de différence et de représentation, auquel s’identifiaient plus aisément les afficionados qui ne se sentent pas citoyens du monde, mais bel et bien anglais, italiens, allemands, français, espagnols ou portugais, pour n’en citer que quelques-uns. Oui, car le bréviaire mondialiste n’a jamais su contourner l’axiome qui définit la relation entre le sport de haut niveau et son public : 99% des amateurs de football soutiennent leur nation, et non pas l’équipe qui joue le mieux – il conviendrait de s’interroger sur l’universalité et l’objectivité du beau jeu, au passage.

 

Or, si représentativité et proximité objective entre peuple et sélection semblent immuables, l'Euro 2012 a sérieusement entamé les certitudes passées qu’étaient les identités de jeu. Prenons les grandes – adjectif à relativiser en ce moment – nations européennes : l’Angleterre a abandonné le kick and rush, ainsi que sa version allégée des années 90-2000, pour un catenaccio du pauvre, digne de la résistance produite par une équipe de CFA contre un gros en coupe de France. Le Portugal, loin des flamboyants Rui Costa, Figo, Joao Pinto et autres Sergio Conceiçao, pratique un football certes plus complet, mais finalement assez proche de celui des 3 lions. L’Allemagne, autrefois si rigoureuse, valeureuse et solide, tâche de latiniser son jeu depuis quelques années, avec un certain succès esthétique d’ailleurs, mais sans l’efficacité d’antan.

L’Italie, Prandelli oblige, fait table rase de cinquante ans de rigueur défensive, de cynisme et d’arrivisme insolent, pour n’être fatalement qu’une bien pâle copie de la Furia Roja, seule équipe capable d’assumer son football traditionnel à l’heure actuelle. La fin première du mondialisme est le gommage de toute spécificité, de toute aspérité, de tout particularisme culturel. Telle une force centripète, il contraint ses proies à converger vers un centre mou, vers l’uniformité. L’Espagne exceptée, chaque nation européenne s’éloigne de son extrémité du cercle, en faisant chaque année un ou plusieurs pas en arrière, réduisant ainsi petit à petit l’espace qui la sépare de ses concurrentes. L’aboutissement du projet, peut-être dès 2014 au pays du football roi, est le football unique, pendant de la pensée unique. Nous verrons si des bastions de résistance, à l’image de l’Espagne, vitrine de la cantera barcelonaise, voient le jour, ou si l’idéologie la plus décalée de son temps annihile les récalcitrants.

 

  En réalité, personne ne s’émouvrait de cette évolution si le centre mou en question était synonyme de football idéal, à la fois beau – rappelons que les critères esthétiques restent à définir – et efficace. Or, tout le monde ou presque reconnaît aujourd’hui que le niveau global ne cesse de chuter, à la fois en club et en sélection. Les défenses, en particulier, n’ont jamais été aussi friables, les attaquants n’ont jamais été aussi maladroits devant le but, et la raréfaction des meneurs de jeu, remplacés progressivement par des coureurs de fond, nuit tout autant à la construction du jeu offensif. A l’image des sélections nationales, le joueur de football est aspiré vers un centre mou : il doit savoir défendre, attaquer, récupérer, passer, marquer, rentrer dans un moule à uniformité, quelle que soit son équipe, quel que soit son poste, quelles que soient ses qualités. Ainsi, l’attaquant de pointe n’est plus exclusivement buteur. Il constitue le premier rideau défensif, et doit donc gêner les relances adverses, mais également se mouvoir de part et d’autre du terrain, redescendre chercher les ballons que le coureur de fond est moins capable de lui transmettre que l’ancien numéro dix, dont c’était la fonction. L’attaquant de pointe se disperse, s’épuise, et dilapide une énergie qui lui servait autrefois à marquer des buts. C’est ainsi que, malgré les nombreux espaces que lui offrent volontiers les défenses bienveillantes du vingt-et-unième siècle, malgré les ballons à tête chercheuse dont il dispose, l’attaquant de pointe ne dépasse pas la barre des trois buts en compétition internationale, alors qu’il en marquait deux fois plus il y a quinze ans. Les nombreuses tâches qui lui sont assignées sont, conjointement avec la formation à l’éclectisme médiocre, la raison principale de ce constat d’échec. Combien d’attaquants sont aujourd’hui capables de faire une reprise de volée dans n’importe quelle position, à l’exemple d’un Papin, d’un Djorkaeff ou d’un Batistuta ?

Le défenseur latéral illustre parfaitement ce phénomène : il doit accélérer, dribbler et centrer prioritairement, mais l’aspect défensif est secondaire, pour ne pas dire négligé.

 

Résumons : les joueurs sont aseptisés, le jeu est aseptisé, donc les clubs et les sélections sont aseptisés. Le terme convient parfaitement dans la mesure où les particularismes sont perçus comme obsolètes, voire dangereux. En effet, n’y aurait-il pas une forme de discrimination stigmatisante (néologisme choisi) et xénophobe dans les généralités rebattues, du type « les Italiens défendent bien et gèrent le résultat », « les Portugais sont des tripoteurs de ballon », « les Allemands sont rugueux et sobres », « les Anglais sont vaillants, combatifs, et dominateurs dans le jeu aérien » ? Tout lecteur de bon sens aura perçu l’absurdité d’une telle question, mais ce gommage des différences n’est-il pas d’une certaine manière ce vers quoi tendent nos sociétés, dans le domaine du sport ou ailleurs ? La fierté catalane, évoquée par les joueurs du Barça eux-mêmes, et surtout incarnée par cette équipe dont l’essentiel constitue la colonne vertébrale de la sélection championne du monde et double championne d’Europe en titre, demeure, semble-t-il, l’unique bastion de résistance au mondialisme en Europe. L’existence même de ce projet est facilitée par l’affection de la majorité des afficionados pour le football léché, offensif, technique et collectif, aux antipodes d’un catenaccio moins commercial, et surtout décrié par la presse mondiale. Le fait est qu’une équipe en phase avec son identité de jeu, définie depuis des décennies, domine un football européen aseptisé depuis plusieurs années, au moment où l’Italie laisse de côté ses saillies pittoresques, pour rejoindre la masse des médiocres.

 

Nous avons évoqué la responsabilité d’un Prandelli romantique, proche des jeunes entraîneurs italiens, comme Spaletti, mais si loin des maîtres du grand calcio, Capello, Lippi, ou encore Nereo Rocco ! En effet, il serait injuste d’occulter la responsabilité des dirigeants et entraîneurs des clubs de Serie A, responsables de ces nouvelles orientations, mais aussi et surtout réfractaires à toute politique de renouvellement des générations en Italie. La Serie A n’a jamais compté aussi peu de joueurs italiens, et le mercato en cours semble confirmer la tendance. Nous ne reviendrons pas sur la nécessité objective d’un large choix pour le sélectionneur, ni sur la bêtise des théoriciens de la tare congénitale italienne (et, donc, anglaise, entre autres) post-1996, car ces sujets ont été traités en détail précédemment. En revanche, il est incontestable que l’abandon de la formation, et la très faible – ou trop tardive – promotion des rares jeunes qui survivent à ce système mortifère, sont à l’origine du processus de déculturation en cours. Concrètement, comment, du côté de Milan, justifier le choix de Mexes au moment où Astori appartenait encore au club ? Comment se jeter sur Traoré et Constant alors que Cigarini, Poli et Verratti sont sur le marché ? La liste est longue, à Milan comme ailleurs, et si la sonnette d’alarme est tirée par les médias depuis 2010, il semble que seule la loi permettrait aux dirigeants de clubs de recouvrer la raison, et à l’Italie de retrouver ses couleurs. De même que  la formation permet à Barcelone de briller et de faire briller l’Espagne selon les codes définis par la Massia, c’est par l’éducation de ses jeunes footballeurs, et par leur association dans ses clubs que l’Italie retrouvera un football productif, aux codes tout aussi précis, dont profitera tout autant la Nazionale. Pour résister au rouleau compresseur, il faudra faire des choix courageux, mais qui veut vraiment résister ?

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Le renouvellement du pauvre

29 Décembre 2011 , Rédigé par R.Baggio

 

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Les années se suivent et se ressemblent au Milan AC, à bien des égards. Pourtant, nous constatons plusieurs formes d’évolution, sur lesquelles nous reviendrons dans cette étude divisée en trois parties, que le bon sens nous pousse à considérer comme les aspects essentiels de tout renouvellement.

 

Renouveler, c’est anticiper. L’évidence ne saute pas aux yeux de tous, mais chacun peut constater que le Barça de Guardiola dispose déjà d’une relève de qualité, alors que les titulaires sont, à une ou deux exceptions près, très loin de la retraite. Les remplaçants barcelonais ont donc le temps d’apprendre de leurs aînés, en s’entraînant à leurs côtés, et en entrant en cours de match pour être confrontés aux exigences de la compétition. Les jeunes sont intégrés progressivement, sans brûler les étapes, au sein d’un club qui s’assure de la sorte un avenir serein. La formation fait partie intégrante du système barcelonais, et l’accès à l’équipe première n’est pas bloqué par frilosité, préjugés ou idéologie. Au Milan, la formation fut laissée de côté à la fin des années 90, car le club de Berlusconi préféra l’importation à la production, profitant ainsi des libertés offertes par l’arrêt Bosman. Au moment où la génération Gattuso-Pirlo sortait du moule, l’urgence ne se faisait pas sentir, et il ne parut pas nécessaire aux dirigeants milanais de relancer la machine à succès, qui avait, rappelons-le, donné entre autres au club rossonero ses deux plus célèbres icônes : Maldini et Baresi. En 2009, pourtant, Galliani sembla infléchir la politique milanaise, en déclarant vouloir mettre l’accent sur la formation. Dix ans plus tard, la tendance allait donc s’inverser ? Même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions, nous pouvons scruter les feuilles de match, et constater que les jeunes de la primavera, issus du centre de formation ou non, n’apparaissent pas. Malgré leur talent, reconnu par les observateurs des équipes de jeunes en Italie, les Verdi, Calvano, et autres Valoti, sont tenus à distance. Renouveler sans produire, c’est être contraint de recruter dans l’urgence, et l’opération se corse lorsque les moyens financiers viennent à manquer. Il est intéressant de comparer la réussite sportive de chaque modèle, quinze ans après l’arrêt Bosman. D’un côté, Barcelone, meilleure équipe d’Europe depuis plusieurs années, avec un onze type composé de huit joueurs formés au club – première raison de la réussite du Barça, dixit Xavi il y a quelques semaines – et de l’autre le Milan, chantre du déracinement, qui parvient péniblement à s’affirmer en Italie, et vit dans la nostalgie de ses succès passés, à l’époque de Baresi et Maldini. Le Barça de Van Gaal s’était engouffré dans la même brèche au début des années 2000, mais les dirigeants barcelonais ont appris de leurs erreurs, et furent bien inspirés de croire aux jeunes talents de la Massia, qui règnent sur l’Europe aujourd’hui.

 

Renouveler, c’est améliorer. En tout cas c’est ce vers quoi doit tendre tout grand club de football. Lorsqu’on prend l’initiative de remplacer un cadre, illustre mais vieillissant, il semble légitime de choisir un joueur d’égale valeur, s’il ne peut être meilleur. Or, à l’heure où nous écrivons ces lignes, personne ne croit sérieusement que le Milan des Boateng, Flamini, Taiwo, Robinho, Emanuelson, soit à la hauteur de celui des Rui Costa, Albertini, Maldini, Inzaghi, Ambrosini. Cela pose plusieurs questions, à la fois sur l’état de nos finances, expliquant ce recrutement au rabais, mais également sur la baisse de qualité du football en général : il est, par exemple, de plus en plus difficile de trouver un défenseur  talentueux – d’où la nécessité de relancer la formation, au Milan comme en Italie en général, avec la détermination revendiquée de former de vrais défenseurs, et de vrais attaquants (cf. article précédent, intitulé De la spécialisation d’excellence à l’éclectisme médiocre).

Difficile en tout cas d’éluder le débat sur la pertinence du remplacement des cadres âgés, lorsque les nouvelles recrues sont elles-mêmes proches de la retraite, ou simplement inaptes au haut niveau. Sans réelle politique de formation-promotion des jeunes Milanais, le club de Berlusconi ne peut échapper à cette délicate question : est-il judicieux de reléguer le capitaine, Massimo Ambrosini sur le banc, lorsque le nouveau titulaire, Van Bommel, est moins bon au même âge ? Comment justifier la mise  à l’écart de Filippo Inzaghi, si redoutable devant le but, alors que Robinho ne cesse de manquer des occasions, coûtant ainsi de nombreux points, voire la qualification, en ligue des champions ? Il semblerait logique de renouveler progressivement l’effectif, à condition que les nouveaux arrivants soient aussi efficaces sur le terrain que leurs prédécesseurs, mais s’il n’en est rien, pourquoi exclure des cadres qui, à l’exemple de Maldini en 2009, restent supérieurs à leurs concurrents directs ? Le rajeunissement de l’effectif est nécessaire à terme, mais rajeunir pour perdre en qualité n’est pas dans l’intérêt sportif du club, surtout lorsque les « jeunes » en question ont 27-28 ans. En revanche, il serait légitime d’être patient avec un jeune de 20 ans en pleine progression … mais ce n’est que très rarement le cas au Milan AC !

 

Renouveler, c’est penser. Nous avons vu en première partie que l'anticipation n’était pas le point fort du Milan AC de ce début de siècle. Penser, en football, c’est en grande partie construire un collectif, avec des paramètres plus complexes que les  simples qualités footballistiques individuelles des potentielles recrues. Un joueur peut exceller dans un contexte, et décevoir dans un autre, pour des raisons diverses telles que le système tactique d’un entraîneur, les caractéristiques des partenaires, mais encore pour d’autres raisons extra-sportives, comme le déracinement, la barrière culturelle, les relations interpersonnelles. En résumé, tout dépend des capacités de l’individu à se fondre dans un groupe, à s’assimiler à ce groupe, non sans conserver une part d’authenticité, dès lors qu’elle est compatible avec le système intégré. L’exemple du Barça est particulièrement intéressant en ce moment, car il prend à contrepied toute l’idéologie dominante  de l’individualité sans frontière, du mondialisme, et du déracinement. Xavi met le doigt sur l’élément essentiel fondateur du succès barcelonais : le partage de valeurs et d’idéaux communs, la cohésion footballistico-culturelle d’un véritable groupe, à l’opposé des mosaïques qui composent la plupart des autres grands clubs européens. Les joueurs barcelonais jouent le même football car la très large base de l’équipe – entraîneur compris – est barcelonaise, élevée selon les mêmes principes, dans la même structure, dans un esprit de reproduction perpétuelle depuis l’adolescence. Les quelques individualités de divers horizons qui viennent intégrer l’effectif barcelonais ne sont pas choisies au hasard, et se greffent parfaitement sur l’inamovible socle de la Cantera, à l’image des trois Néerlandais du Milan AC, Gullit, Rijkaard et Van Basten, qui ne constituèrent le gain qualitatif que l’on sait au début des années 90 que parce qu’ils se plièrent aux exigences d’un entraîneur systémique dont les principes étaient déjà appliqués et relayés sur le terrain par un socle italo-milanais à la culture commune. Cette donnée essentielle, négligée par 99% des clubs de l’élite européenne aujourd’hui, devrait être la feuille de route d’un Milan héritier de valeurs et traditions ancrées dans un patrimoine riche, source de sa réussite passée. Nier cela revient à nier le grand Milan, et à ce que tout supporter du club de Berlusconi peut constater aujourd’hui : une équipe de bric et de broc, sans collectif, sans âme. L’exemple barcelonais est en quelque sorte salutaire, car il permet d’élever le niveau du jeu et du débat. Sans Barcelone, tous les clubs ou presque seraient construits à l’identique, et la palme reviendrait soit au plus riche, soit au hasard, dans l’océan de médiocrité qu’est le football européen à l’heure actuelle. A chaque histoire correspondent des valeurs différentes, mais ces valeurs, inhérentes à chaque grand club, doivent être défendues, car on de bâtit pas sur rien. A ce propos, l’attribution du brassard de capitaine au moment du départ en retraite d’Ambrosini méritera toute notre attention. Toute prime à l’ancienneté méritante – due à la qualité du joueur, et non à l’indulgence du club – consacrerait logiquement Abbiati, mais un signe fort serait de le donner à un titulaire formé au club, gardien d’un temple à la fois pérenne et désagrégé.

 

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Allegri l'exterminateur, ou l'ultime plaie du Milan

26 Décembre 2011 , Rédigé par R.Baggio

 

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Pour se débarrasser d’un joueur indésirable, un entraîneur a plusieurs options. La plus honnête, du type « dégage, tu sers à rien », avec ou sans les formes, reste la plus commune, mais de nouvelles méthodes insidieuses et pernicieuses ont le vent en poupe du côté de Milan depuis quelques mois.

L’actuel entraîneur du Milan AC, en quête de respectabilité et de renommée, a mis en place un système redoutablement efficace d’exclusion par l’indifférence, dont voici les grandes lignes par ordre chronologique :

 

-          - sélection de la cible selon des critères bien définis (de préférence un cadre, trentenaire, digne représentant de l’image Milan AC, histoire de frapper un grand coup) :

          -  déclarations de soutien au joueur dans la presse à l’amorce de la nouvelle saison, histoire de brouiller les pistes ;

-          - remplacement définitif du joueur en question dès la première blessure, sans tenir compte de la qualité des prestations de la doublure ;

-          - mise à l’écart de l’ancien titulaire, sur le banc ou en tribune, afin de lui éviter toute occasion de montrer qu’il est meilleur que son successeur (on réduit ainsi les risques de pressions des supporters agacés) ;

-          - après plusieurs mois de mutisme, déclarations douteuses sur l’état de forme du joueur, qui ne fait clairement plus partie du projet, même si ce n’est jamais clairement affirmé.

 

Ainsi est traité en ce moment Filippo Inzaghi, meilleur attaquant finisseur d’un Milan AC dont certains titulaires collectionnent les occasions manquées. Le joueur, en excellents termes avec ses dirigeants, favori du public de San Siro, s’est gravement blessé il y a un an, après avoir marqué deux buts contre le Real de Mourinho – donnant au passage une nouvelle leçon de réalisme à ses coéquipiers – et a travaillé de longs mois pour revenir sur les terrains, et démarrer l’actuelle saison.  Toutefois, Superpippo ignorait qu’il était la nouvelle cible, à l’image des premiers nés d’Egypte dont la porte n’avait pas été aspergée de sang. Les trente-quatre minutes de jeu accordées par Allegri l’exterminateur feraient presque sourire, tant le funeste dessein est piètrement masqué. Les blessures de Cassano et Pato n’y ont rien changé, même si on imagine aisément les sueurs froides d’Allegri lorsque, face à Catania , la cible a failli transformer en but son premier ballon …

 

En revanche on a toujours autant de mal à imaginer le plaisir de l’exterminateur lorsque Robinho vendange sa cinquième occasion, ou lorsque Pato frappe au-dessus sur sa seule action du match. Si l’argument sportif est irrecevable, il faut s’interroger sur les raisons profondes de cette politique, qui a déjà poussé Pirlo au départ il y a six mois – ce dernier faisant les beaux jours d’une Juve au jeu collectif retrouvé, au moment où le Milan est loin d’avoir construit le sien.  Comment justifier les éliminations successives du meneur de jeu et du buteur, alors qu’on constate en ce moment des lacunes dans ces deux secteurs ? Plusieurs pistes peuvent être explorées :

 

-          - Le jeunisme paroxystique et paradoxal : virer les vieux même lorsqu’ils sont plus forts que leurs remplaçants … qui ne sont pas toujours plus jeunes d’ailleurs (cf. Van Bommel), en sachant, de surcroît, que la politique de formation n’est pas clairement définie ;

-        -   La loi du tout physique, pourtant invalidée par les performances du Barça et de l’Espagne, et surtout hors sujet lorsqu’il s’agit de joueurs comme Pirlo ou Inzaghi ;

-        -   La recherche de légitimité d’un entraîneur qui doit faire ses preuves, et peine à s’affirmer lors des joutes européennes, ou la volonté de marquer les esprits différemment, lorsqu’on n’y parvient pas sur le terrain.

 

La véritable raison est certainement celle-là, car les Pirlo, Inzaghi, et autres Ambrosini (le prochain sur la liste) sont des professionnels exemplaires – peut-être trop à l’époque de ce qu’on appelle « football moderne » – qui respectent les consignes, font ce qu’on leur demande, et ne se répandent pas dans la presse. Allegri a donc décidé de piétiner les valeurs milanaises, contre l’avis de ses dirigeants, et au mépris de l’aspect sportif : en cinq minutes Superpippo parvient à se montrer plus dangereux que Robinho et Pato réunis en une heure, mais ce genre de considération ne semble pas effleurer l’exterminateur, qui eût sûrement souhaité entraîner le Milan en 2008/09, pour s’offrir Maldini. C’est beau, le football moderne !

 

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L'italianité bafouée

2 Juillet 2010 , Rédigé par R.Baggio

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La faillite sportive du football italien dans son ensemble vient de culminer, avec l’élimination à la fois navrante et spectaculaire de la Squadra en Afrique du Sud. Orgasme mondialiste, la déchéance d’une sélection championne du monde en titre est la conséquence de fautes graves commises par un groupuscule connu de tous, rarement incriminé pourtant. Il n’est pas rare qu’un événement de grande ampleur provoque des réactions fortes, attendues depuis des lustres, donc la chute de la Nazionale pourrait – tâchons de rester optimistes – avoir des effets bénéfiques sur le football italien à terme.

 

Certes, le sélectionneur national, auréolé du titre de 2006, s’est retranché dans un conservatisme déraisonné, accordant à ses champions du monde une confiance sans bornes, au mépris total de données pourtant élémentaires : forme physique, production effective en club et en sélection, préretraite, etc.  Ainsi, les Camoranesi, Cannavaro, Gattuso, Zambrotta, remplaçants ou médiocres en club, tinrent à nouveau les rôles de jeunes premiers dans le système Lippi. D’autres, comme Miccoli et Ambrosini, titulaires et excellents en club, furent écartés sans la moindre explication, sans même que puissent être invoquées les raisons extra-sportives, si utiles et pratiques pour justifier les absences de Cassano et Balotelli. Que dire du cas Rossi, exclu de dernière minute, après avoir fait partie intégrante du groupe depuis plus d’un an ?

 

L’exclusion des génies eut un impact considérable sur la créativité offensive italienne durant la compétition. Le seul Pirlo avait pour tâche de fournir des attaquants aux pieds carrés en ballons exploitables. Non que la mission fût délicate pour celui qui reste le seul joueur italien capable d’assumer seul le jeu et la création de son équipe, mais le spectre de la blessure, ou de la suspension de type Italie-Espagne 2008 aurait dû conduire le sélectionneur à fournir son secteur offensif en techniciens experts. Il n’en fut rien, et la blessure d’Andrea Pirlo contre le Mexique à une semaine du début de la compétition mit en lumière l’une des plus graves erreurs de Lippi. S’il est logique et difficilement contestable de confier au génial Pirlo les clés du jeu de la Nazionale, il est assez peu pertinent de ne lui adjoindre que des coureurs de fond, ou des travailleurs.

 

  L’Italie dut donc composer avec un système offensif instable faute de techniciens valides, mais le système défensif fut tout aussi défectueux, pour des raisons diverses. Certaines seront évoquées plus bas, mais les faillites individuelles ne peuvent être occultées. La performance d’ensemble de la charnière centrale fut déplorable, en totale rupture avec le label rouge italien historique qu’on est en droit d’attendre dans ce secteur. Avant la déroute slovaque, le capitaine fantôme Cannavaro nous avait déjà coûté deux buts. Son compère de la Juve, Chiellini, dans la force de l’âge, ne s’est guère montré plus à son aise, et fit preuve d’une effrayante fébrilité, à l’image de ses prestations à la Coupe des Confédérations un an auparavant. L’unique rempart défensif du milieu de terrain, De Rossi, confirma son incapacité à s’élever au niveau international, et commit même des erreurs grotesques, à l’image de cette passe décisive à l’adversaire slovaque lors du dernier match.

 

Au milieu, le seul Montolivo surnagea, et put faire montre de progrès indéniables, au terme d’une saison de ligue des champions avec la Fiorentina. Cependant, l’absence de Pirlo, et l’inaptitude de ses collègues au haut niveau, produisirent un résultat à la fois exaspérant et prévisible : les attaquants furent privés de ballons. Il fallut un corner et un pénalty pour égaliser contre le Paraguay et la Nouvelle Zélande, et le retour de Pirlo, chaînon manquant, à l’animation, pour enfin permettre aux attaquants de s’exprimer bien tard contre la Slovaquie. Aux lacunes individuelles se joignirent donc les lacunes collectives, en grande partie à cause de l’entêtement d’un sélectionneur dépassé, incapable de mettre en place un système tactique fiable et durable. Comment ne pas s’étonner qu’une équipe comme l’Italie puisse démarrer un Mondial sans savoir si elle jouera en  451, en 433 ou en 442 ? Comment justifier l’absence de techniciens devant, qui plus est durant la convalescence du maestro Pirlo ? Comment, surtout, expliquer l’entêtement du sélectionneur à aligner une Italjuve, alors que la Vieille Dame s’est écroulée cette saison en championnat ? La magie du changement de maillot salvateur n’a pas fonctionné pour les arrières centraux, en tout cas. Nous pourrions évoquer, enfin, la faiblesse d’un 433 sans ailiers de métier, sans attaquant travailleur au milieu … Borriello correspondait de toute évidence mieux au profil que Gilardino.

 

  La force historique de l’Italie est sa culture du résultat, et sa maîtrise des zones de vérité. Toutefois, l’attaque, et surtout la défense, n’ont jamais été aussi faibles. La Squadra ne sait gagner avec la possession de balle, et n’a remporté ses titres qu’en proposant un jeu prioritairement axé sur l’efficacité et le pragmatisme. Or, cette liste des 23 ne comportait pas les joueurs adéquats, à la fois en qualité et en quantité. La Gazzetta Dello Sport a fini par aborder le sujet tabou au surlendemain de l’élimination : la question du renouvellement des générations, et du rejet des jeunes Italiens dans leur propre pays. Lippi et les joueurs ne portent finalement qu’une part minime de responsabilité, vu le traitement réservé aux autochtones en Italie par les clubs. Il y a vingt ans, jamais le titulaire au poste de latéral gauche n’aurait découvert le haut niveau en Coupe du Monde. Aujourd’hui le CT est contraint de titulariser des joueurs qui n’ont jamais joué la Ligue des Champions, des joueurs qui luttent pour le maintien ou stagnent dans le ventre mou de la Serie A. Dans un grand pays de football comme l’Italie, la situation est forcément anormale, frappante, et préoccupante.

 

Pour un Huntelaar, on a un Cigarini, un Acquafresca, et un De Silvestri … et il est pourtant fréquent d’entendre un peu partout dire que les jeunes Italiens sont trop chers. Pour un Pato on a deux Rossi ! A quand le retour à la réalité, à l’ancrage culturel, aux bandiere, au respect et à l’amour du maillot ? Si les clubs ne font pas le boulot, rien ne les empêche d’aller vivre leur mondialisme en d’autres lieux. Une Inter désitalianisée vient de remporter une Ligue des Champions avec des étrangers formés en Italie depuis cinq ou dix ans, selon le cas. En 1998 la France remportait la Coupe du Monde avec une ossature et un style de jeu italiens. L’Italie, si généreuse pour montrer aux autres la voie du succès, va-t-elle à nouveau s’occuper de ses propres rejetons ? Peut-être serait-il temps que les dirigeants mettent la main à la pâte, avant le vote tant attendu d’un 6+5 aujourd’hui indispensable. Le fait play financier finira par les y contraindre, mais il est grand temps d’accélérer la cadence, pour retrouver un football italien fort, porté par des joueurs détenteurs de valeurs quatre étoiles.

 

  Le nouveau sélectionneur national, Prandelli, devra reconstruire intelligemment, avec les miettes que lui accordent aujourd’hui nos clubs incompétents. Chaque ligne reste un chantier délicat à gérer, même si les départs des Cannavaro, Zambrotta et autres Gattuso vont forcer un renouvellement tardif, mais réel. Bonucci et Ranocchia ont une carte à jouer en défense, et des joueurs comme Poli et Giovinco pourraient s’affirmer dans l’entrejeu, derrière un Rossi d’une importance capitale en attaque. Il est impératif de reconstruire autour du seul élément fiable parmi les cadres : Andrea Pirlo. En quelques minutes contre la Slovaquie, les spectateurs ont pu comprendre et admettre combien le talent et la classe de celui qui fut nommé trois fois homme du match lors du Mondial 2006 étaient indispensables à cette équipe. A l’image d’un Zidane il y a quelques années, Andrea Pirlo est l’homme-clef de sa sélection nationale, et le sera certainement en 2012. En revanche, il est nécessaire de réduire petit-à-petit ce que d’aucuns appellent la pirlodépendance. Deux solutions pour résoudre cette délicate équation : lui trouver un remplaçant digne de ce nom, et imaginer un système tactique de substitution, en cas de blessure ou de suspension du maestro. Il serait souhaitable de les tester lors des matchs amicaux, en laissant Pirlo au repos. Ainsi Prandelli préparera à la fois l’Euro et la Coupe du Monde, mais le tout dépendra fortement des mesures prises par les clubs et les autorités italiennes à propos de la réintégration des jeunes exclus.

 

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