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Pirlo, joueur d'une nation

7 Août 2014 , Rédigé par R.Baggio

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Mai 2012 : champion d’Italie.

Juillet 2012 : finaliste de l’Euro 2012, au terme duquel il comptait trois distinctions d’homme du match, comme en 2006.

 

Statistiques de l’année 2012 :

- 3368 passes réalisées ; 2947 réussies, soit un pourcentage de réussite de 87%. Personne n'a fait mieux en Europe.

- 141 occasions de buts sont nées de ses passes (ce qu'on appelle key pass outre-Manche), autre record.

 

Janvier 2013 : élu meilleur joueur de Serie A par ses pairs.

Mai 2013 : champion d’Italie.

Janvier 2014 : élu meilleur joueur de Serie A par ses pairs.

Mai 2014 : champion d’Italie

 

14 Juin 2014 : premier match d’une faible Nazionale contre l’Angleterre. A dix jours de l’élimination fracassante contre l’Uruguay, l’équipe d’Italie croit encore en ses chances, grâce à son homme providentiel, l’un des rares qui surnagèrent dans un océan de médiocrité, comme en 2010. Après le  match, les statistiques ébahissent une nouvelle fois les commentateurs : le fuoriclasse italien a réussi 103 passes sur 108 ! Quelques jours plus tard, contre le Costa-Rica, Balotelli se montra incapable de convertir en but de la qualification un énième caviar de son meneur de jeu, illustrant ainsi l'inaptitude de l’équipe à se hisser au niveau de son leader.

 

  Juin 2011 : à l’issue d’une saison ternie par une longue blessure, Galliani lui refuse un contrat de trois ans, parce qu’il est trentenaire. Allegri lui refuse déjà une place de titulaire du poste qu’il occupe depuis une dizaine d’années au club, et l’a relégué sur le banc. Nous avons été champions sans toi, lui rappelle son directeur sportif. Quelques semaines auparavant, Andrea Pirlo réaffirmait son désir de rester au Milan AC, mais en juin 2011, c’est en larmes qu’il quitte ses coéquipiers à Milanello. Blessé, humilié, trahi, il doit trouver un club qui lui permette d’évoluer au plus haut niveau tout en restant à proximité du sélectionneur national, car l’objectif numéro un demeure l’Euro 2012. Contrairement au Milan, la Juventus, a priori moins attrayante, ne joue pas la ligue des champions. Désireuse de relever la tête après plusieurs années de disette, la Vieille Dame lorgne celui que les observateurs qualifient depuis des années de meilleur regista du monde. Le projet est séduisant, et on promet au joueur ce qui lui est désormais refusé au Milan : les clefs du jeu, et trois ans de contrat. C’est ainsi que se conclut l’affaire du siècle : Andrea Pirlo signe à la Juventus, sans que le Milan ne récolte un centime.

 

Trois ans plus tard, quel bilan tirer ? La Juve est triple championne d’Italie, et le Milan ne cesse de sombrer. Le changement de camp du maestro a fait pencher la balance de l’autre côté. Pourtant, en juin 2011, Pirlo était cuit, fini, bon pour la retraite, selon de nombreux supporters milanistes, selon son entraîneur et ses dirigeants, qui ne lui accordaient qu’un an de contrat. Les observateurs se demandent encore comment le club de Berlusconi a pu se fourvoyer à ce point, comment l’équipe d’Allegri, en panne d’inspiration, a pu se priver d’un tel stratège ? Et surtout, que répondre à l’éternelle question, qui a trahi qui ?

 

L’autobiographie de Pirlo, Penso quindi gioco, a conforté l’opinion des milanisti les plus virulents durant l’été 2013. Le journaliste Alessandro Alciato, plume affûtée d’un joueur amer et revanchard, y met en relief dès les premiers chapitres le climat de l’été 2011, et enfonce le clou en évoquant les désirs passés de Real et de Barça, tout en écorchant quelque peu l’aura du Milan. Les anecdotes truculentes et vendeuses se suivent, les deux piques font mouche, et les réactions sont à la hauteur des attentes. Pirlo a bien trahi, vergogna !

  Il est toujours curieux de constater que quelques lignes dans un livre pèsent plus lourd dans la balance que dix ans de loyaux services, sans le moindre écart de langage. Le Pirlo dont tout le monde – entraîneurs inclus – louait le caractère docile et ductile depuis 2001 était devenu un affreux mercenaire, horrible personnage sans foi ni loi. Acteur refoulé, le paria lombard aurait donc dupé son monde pendant dix ans, masquant habilement sa véritable nature de dangereux trublion. Les circonstances troublantes du départ avaient pourtant été détaillées en interview par Gattuso et Nesta dès 2011, et la ficelle du règlement de compte par biographe interposé était grosse, mais non, Pirlo était bien un traître.

 

Comme son maître Baggio, Pirlo a évolué dans les trois grands clubs du nord de l’Italie. Il est toujours difficile pour certains supporters de comprendre la différence entre passer chez un concurrent par opportunisme et se faire pousser dehors par un entraîneur – Lippi pour Baggio, Allegri pour Pirlo – ou par un dirigeant.

Andrea Pirlo fut le seul joueur italien capable d’endosser le costume de meneur de jeu de la sélection nationale après Roberto Baggio, gagnant ainsi l’estime et l’affection de millions de supporters transalpins. Trois fois homme du match lors de la coupe du monde 2006, Pirlo écrivit alors l’une des plus belles pages de l’histoire du football italien, en portant son équipe vers la victoire finale attendue depuis vingt-quatre ans !

Comme Baggio, Pirlo n’appartient pas à un club ou à un groupe de supporters, mais à la nation italienne tout entière, et à son histoire. C’est le cas de quelques joueurs exceptionnels, qui transcendent les rivalités du quotidien. C’est un peu comme si chaque stade, chaque virage avait droit à un morceau d’histoire de Pirlo, comme un désir et une chance d’être témoin de quelques moments de grâce d’un héros national. Conscient comme son aîné de l’honneur suprême qui caractérise le port du maillot azur, il déclarait dans son livre :

L'Italie est juste plus importante. Plus importante que l'Inter, le Milan, la Juventus ou n'importe quel autre club. C'est le summum !

 

Amen.

 

pirlo1

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