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La grand'inversione

6 Juillet 2023 , Rédigé par R.Baggio

9 mars 1908 : le Foot-Ball Club Internazionale voit le jour. Le deuxième club milanais revendique son cosmopolitisme, et s’oppose ainsi au club historique, le Milan Cricket, qui se conforme à la nouvelle règle édictée par la fédération italienne, interdisant le recrutement de nouveaux joueurs étrangers.

Pendant un siècle, chaque club perpétuera son identité, y compris durant la première décennie post-arrêt Bosman. Le début des années 2010 permit néanmoins d’observer une inflexion de la politique milaniste : le remplacement des cadres italiens par des étrangers – Maldini par Thiago Silva, Gattuso par Muntari, Ambrosini par De Jong, entre autres – annonçait la désitalianisation progressive de l’équipe dans les années 2010, accentuée le 13 avril 2017 par la vente du club à Sino-Europe Sports Investment Management Changxing Co, repris un an plus tard par le fonds Elliott, puis par Redbird le 1er juin 2022.

 

Peu soucieux des considérations patriotiques qui avaient construit les succès milanistes pendant plus d’un siècle, et contribué à l’attachement des supporters au club, les fonds d’investissement américains n’ont cessé de clamer leur intention louable d’assainir les comptes, mais aussi de privilégier la rentabilité à l’aspect sportif. Si le fonds Elliott avait tâché de soigner sa communication en confiant à Paolo Maldini le poste de directeur sportif en juin 2019, Gerry Cardinale, patron de Redbird, ne s’est pas encombré des mêmes égards, en limogeant le même Maldini cet été, avant de pousser Sandro Tonali, milaniste depuis l’enfance, au départ.

Quelques jours plus tard, l’Internazionale, battu de justesse en finale de la ligue des champions le 10 juin dernier, recrutait son sixième titulaire italien pour 27 millions d’euros : Davide Frattesi. Avant la clôture du marché des transferts, il est donc vraisemblable que l’Inter alignera bien un 6+5 la saison prochaine, à la surprise générale, au moment où le Milan semble sur le point de présenter une équipe 100% étrangère, à moins que Davide Calabria ne conserve sa place dans l’équipe type. Si l’inversion des valeurs ne peut que frapper les esprits, la dissemblance des ambitions n’en est pas moins flagrante : l’Inter visera le titre et la victoire en ligue des champions, alors que le Milan prétendra à la quatrième place, et à la revente rapide des jeunes talents qu’il aura peut-être dénichés avant ses concurrents.

 

Plus généralement, les supporters auront perdu vingt-cinq ans d’histoire, quinze ans d’avenir, un siècle d’aura et de standing, et déploreront l’avènement d’un Milan Canada Dry, toujours plus proche des banques que du football, toujours plus loin des cœurs que des ventres. Si l’Internazionale s’est rapprochée du peuple et de sa nation, le club rossonero, en perpétuel mouvement, n’a jamais aussi bien porté son surnom d’AC Migrant.

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