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Quel avenir pour la Squadra ?

3 Juillet 2009 , Rédigé par R.Baggio

Quelques jours après la victoire attendue du Brésil à la Coupe des Confédérations, il est grand temps de faire un bilan de la prestation italienne lors d’une compétition à l’origine censée permettre aux participants de se roder en vue de la Coupe du Monde. Nous attendions des essais, des nouvelles têtes, un schéma tactique clairement défini, et surtout une Squadra digne de son rang. Cette dernière, souvent démobilisée en l’absence d’enjeu, n’a malheureusement pas dérogé à la règle : une victoire sur le fil contre des Etats-Unis réduits à dix, et deux défaites, dont un cinglant mais prévisible 0-3 face au Brésil. Peu d’essais, si ce n’est le virevoltant Rossi ; peu de confirmations, si ce n’est, par exemple, la médiocrité de Legrottaglie ; et encore moins de satisfactions. Il est vrai que le championnat d’Europe espoir avait lieu au même moment en Suède. Nous pûmes donc admirer les Bocchetti, Cigarini, Criscito, Marchisio, De Ceglie et autres Giovinco, en regrettant amèrement leur absence en Afrique du Sud, au profit de sénateurs apathiques.


Devons-nous attribuer l’échec de l’équipe A à l’absence de motivation des cadres ? A la fatigue ? Ou bien, plus simplement, à la baisse de niveau flagrante des champions du monde en titre ? Disons que les trois éléments réunis constituent une explication plausible. La faillite de l’Espagne et les difficultés du Brésil tendraient à appuyer la thèse numéro un, mais la situation est trop préoccupante pour se contenter d’une justification aussi rapide et peu évidente. Avant d’aborder les lacunes individuelles, concentrons-nous sur les trois aspects les plus frappants, en commençant par le schéma tactique.

La tactique est historiquement le grand point fort de la Nazionale, et Lippi n’est pas novice en la matière. Or, le 433 actuel semble inadapté et contreproductif, pour plusieurs raisons :
- L’absence d’ailiers de débordement, si l’on excepte un Camoranesi amorphe ;
- La nécessité de protéger la défense italienne la plus faible depuis trente ans ;
- Le truisme qui veut que l’Italie n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle joue défensif, avec notamment un milieu renforcé, travailleur, et complet. Lors de la dernière Coupe du Monde, au terme du match nul contre les Etats-Unis, le capitaine Cannavaro avait publiquement réclamé le retour du cynisme à l’italienne, et d’un jeu prioritairement axé sur la défense. Il l’obtint, et la Squadra retrouva des couleurs, en renouant avec le succès suprême, vingt-quatre ans après.

Le deuxième gros point noir est l’absence totale de percussion, de vitesse, et de changements de rythme. Si l’Italie a l’habitude de s’appuyer sur une défense solide, elle n’oublie jamais de mener des contres ultra-rapides et efficaces, avec la vitesse d’exécution appropriée. Cet aspect fondamental du jeu italien semble avoir été négligé par un sélectionneur trop sûr de lui et de ses champions du monde, trois ans après . Problème d’âge ou de joueurs ? Le seul à avoir su tirer son épingle du jeu dans ce domaine est Rossi, ce qui n’aura surpris personne. Signalons également la bonne entrée de Pepe contre le Brésil. L’insertion progressive de Giovinco, voire le retour de Di Natale, pourrait partiellement résoudre le problème, et améliorer la liaison milieu-attaque, si déficiente aujourd’hui. Des joueurs comme Abate ou Foggia sont à surveiller également, s’ils bénéficient d’un temps de jeu satisfaisant la saison prochaine, ce qui est loin d’être gagné pour le premier. L’énigme Cassano reste d’actualité, et nous amène à notre troisième point : l’entêtement d’un sélectionneur jusqu’au-boutiste.

Depuis de nombreuses années nous avons droit à des sélectionneurs italiens têtus et bornés, qui préféreraient mourir avec leurs idées qu’en changer. Cesare Maldini, Dino Zoff et Trapattoni ont passé le flambeau à Lippi, qui persiste à snober les deux meilleurs joueurs italiens du moment : Cassano et Ambrosini. Le premier aligne les chefs-d’œuvre avec la Samp chaque weekend, et le second est tout simplement le meilleur milieu de terrain italien depuis deux ans. Le cas Ambro est par ailleurs bien moins compréhensible que l’exclusion de la tête brûlée barese, car le nouveau capitaine du Milan AC est exemplaire sur et en dehors du terrain. Jamais le CT n’a justifié la non-sélection du numéro 23 milanais. Pire, il lui préfère son compère Gattuso, totalement hors de forme, après quatre mois de blessure et seulement quelques minutes de jeu contre la Fiorentina lors de la dernière journée. En plus de présenter des caractéristiques uniques et cruellement absentes dans l’entrejeu azzurro, captain Ambro est d’une régularité métronomique. Tous ceux qui ont pris le temps et la peine de visionner les trois matchs de la Squadra en Afrique du Sud ont aisément pu constater l’absence frappante d’implication, de hargne, de combativité du milieu de terrain italien. Comment ne pas immédiatement songer à Ambrosini en pareilles circonstances ? Lippi a moins d’un an pour changer de lunettes.

Venons-en maintenant aux joueurs, ligne par ligne. Force est de constater que Buffon n’a jamais retrouvé son véritable niveau depuis son retour de blessure il y a quelques mois. Ce sera probablement le cas après une bonne préparation physique cet été, et celui que tout le monde ou presque considère depuis des années comme le meilleur gardien du monde devrait être un pilier de la sélection dans un an. Sa doublure officielle, Amelia, est un bon gardien, malgré une prestation catastrophique contre la Nouvelle-Zélande en amical il y a quelques semaines. Abbiati pourrait réintégrer le groupe s’il continue son excellente série milanaise.

Lé défense fait partie des principaux chantiers, malgré les certitudes de Lippi. Une Italie sans défense n’existe pas. Or, ce qui fut la force historique de la Squadra est aujourd’hui l’une de ses principales faiblesses. Les raisons sont connues, mais ne seront que très brièvement évoquées dans cet article, en attendant la prochaine émission de CasaMilan et le fameux débat sur le 6+5. Cannavaro, capitaine depuis le départ de Maldini en 2002, n’a tout simplement plus sa place dans cette équipe, et a de grandes chances d’être le Thuram 2008 de la Squadra si rien n’est fait d’ici le début du Mondial. Sa blessure avant le dernier Euro n’a fait que retarder l’échéance. Plus lent, moins réactif, il a montré ses limites au Real comme lors de cette Coupe des Confédérations. Son compère Chiellini était théoriquement la valeur sure de l’équipe, et s’est troué à plusieurs reprises, dès le premier match, en provoquant un pénalty en faveur des Etats-Unis. Si le niveau réel du joueur est bien au-delà de ce qu’il a montré il y a quelques jours, l’inquiétude n’en est pas moins grande, d’autant que le banc des remplaçants ne compte aucun défenseur central de qualité. Legrottaglie n’a jamais eu le niveau pour jouer les premiers rôles en club, donc encore moins en sélection, et Gamberini n’est qu’un bon défenseur de devoir, inapte au niveau international. Un retour de Barzagli, champion d’Allemagne avec Wolfsburg, n’est pas à exclure, même s’il reste sur un échec retentissant contre les Pays-Bas en 2008. Bocchetti et Criscito (même si ce dernier passe le plus clair de son temps à gauche depuis plusieurs mois) pourraient faire leur apparition assez rapidement, et n’auraient vraisemblablement aucun mal à s’imposer face aux menhirs fissurés qui tiennent le poste en ce moment. Sur les ailes, les éclosions de Motta et Santon vont sérieusement menacer Grosso et Zambrotta, même si ce dernier reste un très grand défenseur lorsqu’il est au top de ses moyens physiques. En revanche, Dossena n’a pas, et n’a jamais eu le niveau pour faire partie du groupe. Remplaçant à Liverpool, le joueur n’a plus rien à faire sous le maillot azur.

Au milieu les choses sont relativement simples : tout dépend de l’état de forme des titulaires. En pleine possession de leurs moyens physiques, Gattuso, Pirlo et De Rossi forment un milieu efficace et complémentaire. Le premier devra énormément travailler cet été pour répondre aux exigences d’une saison qui s’annonce éprouvante pour les Rossoneri, avec notamment le retour de la Ligue des Champions. La comparaison avec Ambrosini risque d’être assez lourde et révélatrice dans les mois qui viennent. Le Romain, plus jeune, semble le mieux armé pour tenir le rôle de regista, en sachant qu’il a toujours été très irrégulier en sélection, y compris lors des derniers matchs. Pirlo reste le génie de la Squadra, capable à tout moment de débloquer les situations les plus inextricables. Les trois minutes d’arrêts de jeu contre les Etats-Unis furent éloquentes sur ce point : trois balles de but données à Rossi et Toni, dont une transformée par le premier. Le problème est qu’un Pirlo sans récupérateurs performants, ni attaquants mobiles, ne sert à rien. En 2006 Lippi avait construit une équipe autour du meneur de jeu milanais, avec des résultats concluants. Il devra vraisemblablement faire de même dans un an. Palombo, provisoirement remplaçant officiel de Gattuso, semble trop limité pour jouer les premiers rôles dans cette équipe ; Montolivo doit encore progresser, et surtout faire preuve de régularité ; et Aquilani est bien trop fragile pour prétendre à quoi que ce soit. Restent les jeunes : De Ceglie, Marchisio et Cigarini, promis à un grand avenir, mais la situation de leurs clubs sera déterminante.

En attaque, les buteurs se font rares depuis la retraite internationale de Vieri. Toni n’a jamais confirmé, et sort d’une saison désastreuse avec son club ; Gilardino est trop tendre pour le niveau international, et Iaquinta n’a jamais été un pur attaquant de pointe. Pazzini pourrait être l’homme providentiel, même s’il faudra également garder un œil sur les espoirs Acquafresca et Balotelli, en admettant que ce dernier s’achète une conduite. A l’heure actuelle, si surprenant que ça puisse paraître, le meilleur buteur italien en activité s’appelle Pippo Inzaghi. Auteur d’une deuxième partie de saison remarquable, il ne paraît pas marqué par le poids des ans, et pourrait parfaitement postuler à une place de joker à la Coupe du Monde. Après tout, la qualité et la forme du joueur sont censées primer sur son âge.
En soutien, les solutions les plus intéressantes sont probablement Giovinco, Rossi et Cassano. Pepe est trop laborieux, Iaquinta trop approximatif et irrégulier, et Camoranesi trop rarement convaincant en sélection. Del Piero semble hors du coup, ce dont les supporters de la Squadra ne pourront que se féliciter, tant le décalage a toujours été immense entre ses prestations en club et en sélection.

L’opération la plus délicate sera certainement l’organisation de tous ces talents, et la gestion des états de forme. Mais, comme nous l’avons noté, il ne faudra pas nourrir de trop grands espoirs pour la Coupe du Monde si l’Italie ne construit pas dans les plus brefs délais une défense imperméable. C’est la clef de la réussite. Dernier point essentiel : aucun renouvellement efficace ne pourra avoir lieu si les gros clubs italiens continuent de mépriser les jeunes. Ce sera l’objet de la prochaine émission de CasaMilan, dans quelques jours …

 

 

 

Les arrêts de jeu d'Italie-USA, avec Pirlo à la baguette :

 

 

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