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Andrea Pirlo, il maestro

22 Avril 2009 , Rédigé par R.Baggio

« Le danger c’est Pirlo », avait déclaré Domenech à ses joueurs lors de la préparation du match France-Italie Espoirs en 1999. Déjà stratège de sa sélection nationale, le jeune milieu offensif intériste était une source d’inquiétude majeure pour tout opposant. Inquiétudes fondées, et confirmées, car l’Italie élimina la France d’Henry et Trezeguet, grâce à un coup franc magistral décisif de son numéro 10. Sept ans plus tard, Pirlo fut déclaré homme du match de la finale de la coupe du monde, remportée aux tirs au but par l’Italie, contre la France de Domenech. Qui a dit que l’histoire ne se répétait jamais ?


L’Inter, éprise depuis peu des Santon et Balotelli, sans doute par anticipation d’un possible décret 6+5, ne s’est jamais occupée de ses jeunes après l’arrêt Bosman, et le peu de temps de jeu accordé par Simoni, Lucescu ou Lippi à Andrea au début des années 2000 était de toute évidence peu propice à l’épanouissement du jeune prodige, qui ne cessait de briller avec les Espoirs. Mais l’Inter a involontairement servi la carrière d’Andrea à deux reprises : tout d’abord en le prêtant à Brescia, sa ville natale, lors de la saison 2000/01, lui permettant ainsi d’évoluer aux côtés du maître Roberto Baggio, et d’y développer en particulier les qualités de vision du jeu et de précision, devenues aujourd’hui ses marques de fabrique. Puis, en le cédant à Milan pour une bouchée de pain, cette même année.

Barré par des stars confirmées comme Rui Costa et Rivaldo, le jeune Pirlo ne put s’imposer dès son arrivée, et il fallut un repositionnement tactique made in Ancelotti pour lui assurer une place permanente dans le 11 type d’un des plus grands clubs du monde, poussant même Redondo et Albertini vers la sortie, s’il vous plait. Déterminant lors de la victoire en Ligue des Champions en 2003 et lors du titre de champion d’Italie en 2004, le virtuose Pirlo ne tarda pas à se faire un nom parmi les artistes les plus doués de sa génération. Diaboliquement précis, docteur ès organisation, il devint rapidement la tête pensante et le métronome du Milan AC. Orfèvre de la passe à l’art consommé du dribble, il incarne depuis lors ce qu’on pourrait qualifier d’élégance utile. Pirlo n’entre pas sur le terrain pour lui, mais pour l’équipe ; il n’arpente pas les pelouses européennes pour faire le spectacle mais pour faire vivre ses partenaires ; il ne dribble pas pour dribbler, mais pour conserver le ballon ou créer un danger soudain et mieux servir ses attaquants par la suite. Pirlo est l’antithèse du footballeur star ou tendance. Sa discrétion hors du terrain en témoigne.

Pirlo est un créateur au premier sens du terme. Il invente, dessine, peint, brise les codes d’un sport devenu monotone, passe outre les contraintes spatiotemporelles, défie les lois naturelles, voit avant tout le monde, partenaires et adversaires. Peu rapide mais vif d’esprit et de jambes, il est passé maître dans l’art de la syncope, du toucher de balle à contretemps, ce qui lui permet de jouer ses gammes sur des portées indéchiffrables par l’ennemi, et de clore en cadence parfaite une mélodie qu’il est seul à maîtriser. Jamais à court d’inspiration, Pirlo alterne dribbles, passes, jeu court, jeu long, frappes et centres, avec la même aisance. Aussi doué pour les transversales millimétrées que pour les passes courtes ou à terre dans des angles et des environnements difficiles, sa technique individuelle est prolifique en toute circonstance, peu importe le nombre d’opposants dans son périmètre.

Toutefois, il arrive que les expériences audacieuses et novatrices soient de courte durée. Meneur de jeu de formation, Pirlo a conquis ses galons de titulaire dans un club prestigieux à un poste qui ne lui a que très temporairement convenu, et qui a fini par lui nuire, l’user. La saison 2005-2006 illustre parfaitement le propos. Dans une équipe aux latéraux de plus en plus offensifs et au Seedorf de moins en moins affuté physiquement, le bridage et les contraintes tactiques imposés à Pirlo ont sérieusement entamé son aura et sa forme physique. Réduit à passer le plus clair de son temps à défendre, jouer contre nature, s’épuiser à des tâches qui ne correspondent en rien à ses attributs, le numéro 21 milanais a perdu pied. L’effet de surprise de 2003 ne fonctionnait plus, et les équipes adverses ont su façonner des systèmes anti-Pirlo, qui n’ont fait qu’enfermer le joueur dans un épuisement physique et moral sans précédent. A force de s’entêter dans une configuration dépassée et une idée dont l’originalité de départ avait été sérieusement éméchée par le temps, Ancelotti a fini par affaiblir un joueur, qui avait été une force les années précédentes. Cependant, un autre entraîneur avait une conception plus ambitieuse du rôle à donner à Pirlo. En cette année de coupe du monde, Marcello Lippi comptait bel et bien faire figurer le joueur en bonne place dans son onze de départ, en lui confiant les clefs du jeu azzurro pendant la compétition. Incapables d’intégrer les considérations tactiques dans leurs raisonnements, de nombreux supporters réclamaient la tête de Pirlo, mais Lippi n’en eut cure.

C’est en titulaire que Pirlo démarra cette coupe du monde face au Ghana. Face aux Muntari, Essien et Appiah, le génie milanais devait, allait s’écrouler, c’était une certitude. Que nenni ! Buteur et passeur décisif, Pirlo fut déclaré homme du match, avant de renouveler l’expérience en demi-finale contre l’Allemagne, et en finale contre la France. Triple passeur décisif, il put exprimer pour la première fois de la saison l’étendue du talent, dans un rôle à la fois proche et éloigné de l’originel. Positionné devant la défense sur la feuille de match, il put jouir d’une liberté totale de création et de déplacement, en électron libre à la Baggio, en se retrouvant par exemple à maintes reprises aux abords de la surface de réparation adverse. L’extinction progressive de Totti ne fit qu’accroître cette mainmise sur le jeu des triples champions du monde, et Andrea emmena match après match les siens vers la quatrième étoile. La présence d’une vraie défense, d’un milieu récupérateur pur, et d’autres milieux sacrifiés (Perrotta, Camoranesi), ainsi que les consignes d’un coach lucide, facilitèrent l’explosion pure et simple du talent et de la classe de Pirlo aux yeux du monde entier. Consacré joueur d’exception, le palier ultime était enfin franchi ; mais, l'homme était toujours aussi discret, ce qui lui valut d’être « oublié » par les électeurs du ballon d’or 6 mois plus tard.

Le retour sur terre à San Siro en septembre 2006 fut délicat, car Ancelotti n’avait visiblement pas pris conscience des raisons de la baisse de régime de son protégé quelques mois auparavant. Il lui fallut 6 mois supplémentaires pour admettre la nécessité d’inclure un deuxième vrai récupérateur dans l’entrejeu, afin de libérer et débrider son créateur. Les résultats furent spectaculaires : transfiguré, Pirlo retrouva des couleurs, et fut déterminant aux côtés de Gattuso et Ambrosini dans la conquête de la Ligue des Champions 2007. A son vrai niveau, libre de toute contrainte, il assuma à la perfection ses fonctions de prédilection : créer, mener, organiser.

En cette saison 2009/2010, Andrea a connu la première grosse blessure de sa carrière, blessure très mal gérée par le staff milanais. En effet, après deux mois et demi sans jouer, il fut réintégré, dès son retour, dans l’équipe de départ, en novembre dernier, pour mieux rechuter une semaine plus tard. En outre, les nombreuses blessures de cadres comme Gattuso ont contraint Ancelotti à modifier son système tactique, et à enlever un récupérateur. Les performances d’Andrea, après le mois de janvier, sont très irrégulières. Bonnes avec deux récupérateurs, comme contre Cagliari, et variables avec un seul récupérateur, selon le niveau de l’adversaire. Lippi, quant à lui, poursuit le processus salvateur de retour aux sources, en redonnant à son stratège le poste de ses débuts. Contre le Montenegro et l’Irlande, Andrea a joué derrière les deux attaquants, en position de numéro 10. Il fut à l’origine des trois buts de son équipe …

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