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Le supporter et le sol

27 Juillet 2020 , Rédigé par R.Baggio

Dire que le football a changé depuis vingt ans est un lieu commun. Constater les effets de cette évolution sur les mentalités l’est un peu moins. Des stades impersonnels sponsorisés aux clubs déracinés et déculturés, en passant par le reniement des particularismes tactiques, tout valide la thèse de la modernisation du football. Face à de tels bouleversements, perçus comme une bénédiction par les uns, et comme une décadence par les autres, une constante subsiste : les supporters. Sommés de se moderniser aussi, ils accompagnent avec plus ou moins d’appétence ce qui leur est souvent présenté comme une fatalité. Qu’ils aient connu le football d’antan, qu’ils supportent une équipe nationale, qu’ils aient le souci de la préservation d’un patrimoine et de valeurs, peut influer sur leur appréciation du football d’aujourd’hui.

 

On distingue les très modernes mondialistes, pour qui les nations sont des entités néfastes, d’un autre temps, qu’il faudrait éradiquer, quoi qu’il en coûte. Contrairement à l’immense majorité des supporters, ils honnissent les équipes nationales, et se réjouissent donc de la disparition des locaux dans les clubs, ainsi que des associations de joueurs et des automatismes qu’offraient jadis les clubs aux équipes nationales. Il faut leur reconnaître le mérite de la cohérence et de l’honnêteté. En général ils assument, tout en alléguant le faible niveau des autochtones. On imagine leur embarras lorsque les jeunes du cru arrivent plusieurs années d’affilée en finale des compétitions européennes, mais les mondialistes ne s’encombrent ni de palmarès, ni de statistiques : seule compte la cause.

Ils font fi des paramètres géographiques ou culturels, et balaient d’un revers de main toute notion d’héritage ou d’identité, qu’ils assimilent à un anachronique folklore. Pour les mondialistes, entre le Milan et l’Inter, ce n’est qu’affaire de couleur de rayures.

 

Il y a les modernistes purs et durs, adeptes du galactisme (même du pauvre) et qui, tout en supportant une équipe nationale, encouragent l’évolution antinationale du football, en estimant que ce qui vient de l’étranger est forcément supérieur, ou aussi bien, mais moins cher (malgré les innombrables contre-exemples), et persistent par leur suivisme à valider la destruction des équipes nationales, mais aussi de l’enracinement, du patrimoine, de l’héritage, et de l’essence d’un club. Sous couvert d’économisme, ils se font complices des mondialistes, sans l’assumer complètement.

 

Il y a les résignés, qui ont connu et apprécié l’époque pas si lointaine du football vraiment national, avant de courber l’échine. Leur doxa se décline en slogans du type : « le monde a changé, on n’aime pas mais c’est comme ça, on n’y peut rien, donc on accepte. » Ceux-là, qui chaque année essaient de nous faire croire que la nouvelle pépite à 40 millions d’euros est bien meilleure que celle qui nous avait déçus l’année précédente, ceux-là ont abdiqué, et encouragent par leur soumission l’évolution antinationale du football.

 

Enfin, il y a les réactionnaires, souvent vilipendés, ringardisés, voire diabolisés, qui ont à la fois le souci du niveau de l’équipe nationale qu’ils supportent, mais plus généralement des équipes nationales, parce qu’ils préféreront toujours regarder un Mondial qu’une ligue des champions. Les courbes d’audience comparatives permettent d’estimer leur nombre. Souvent, d’ailleurs, ils ont la nationalité du club qu’ils supportent (on peut le constater en comparant la teneur des commentaires sous les articles des journaux italiens à ce qu’on lit sur certains forums francophones).

Mais, bien au-delà de l’inconditionnel soutien à l’équipe national, il y a la critique du club hors-sol, le rappel que chaque club occupe un stade, une ville, un territoire, et qu’il doit donc en retour produire pour ce territoire. Il y a aussi l’idée que les supporters locaux, qui payent leur billet d’entrée au stade, qui gravitent toute la semaine autour de ce même stade, doivent pouvoir s’identifier au club, à ses valeurs, à son histoire. Rien de très moderne, en somme.

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